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Oct 08

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L’édito de Danielle SIMONNET, Co-coordinatrice politique du Parti de Gauche

Insoumission noire pour les droits des femmes !

La Pologne s’apprête à interdire complètement le droit à l’avortement et à rendre passible de 5 ans de prison toute femme, médecin ou toute personne aidant à l’avortement. Déjà, la législation polonaise en la matière est une des plus restrictives d’Europe. Les femmes ne peuvent y avoir recours que dans trois cas très restrictifs : si leur grossesse est consécutive à un viol ou un inceste, en cas de graves pathologies du fœtus ou de risques avérés pour la santé ou la vie de la mère. Si le projet passe, les Polonaises ne pourront recourir à un avortement que si leur vie est en danger. Toute fausse couche sera de fait également suspectée d’avortement. La situation actuelle, déjà inacceptable en Pologne, a résulté d’un compromis passé en 1993 avec l’Église catholique, qui pèse de tout son poids sur la vie politique. Et le pouvoir réactionnaire, qui chaque jour grignote un peu plus les libertés fondamentales s’appuie sur son poids dans l’opinion publique. La situation est catastrophique pour un pays où nombre de femmes meurent déjà des suites d’un avortement clandestin. Elles sont 47 000 chaque année dans le monde à mourir d’un avortement illégal et dangereux, soit une femme qui décède toutes les 9 minutes…

L’Union Européenne a-t-elle une réaction à la hauteur devant une telle décision réactionnaire ? Non. Elle a pu menacer d’exclure de la zone euro la Grèce pour son refus des politiques d’austérité, sa volonté d’instaurer des politiques répondant aux urgences humanitaires, mais elle n’engage pas de réelles pressions contre la Pologne. Pas plus que l’Espagne, dont le gouvernement voulait récemment remettre en cause l’avortement ; la Hongrie n’a rien à craindre de Bruxelles non plus après son référendum contre l’accueil des réfugiés. Peu importe pour l’Union Européenne que les droits fondamentaux régressent, que l’extrême droite réactionnaire soit aux manettes dans différents Etats-membres, tant que les intérêts de la finance sont protégés. Et précisément, ce n’est pas l’extrême droite qui les remet en cause.

Le droit à l’avortement est un droit fondamental. Mais comment avoir accepté dans la constitution même de l’Union européenne, le TCE de 2005, la référence aux « racines chrétiennes de l’Europe » ? Si la référence n’est plus dans le Traité de Lisbonne, la droite réactionnaire polonaise ne cesse de s’en référer. Et en France également, les intégristes catholiques ne relâchent pas leur pression contre le droit à l’avortement, de façon assumée dans la suite des manifestations contre le mariage pour tous, ou via le développement de faux sites d’accompagnement destinés en réalité à dissuader les femmes d’avorter, jusqu’à la publication et la diffusion de brochures de propagande au sein de lycées privés. « Gardez vos rosaires loin de nos ovaires ! », criaient les participant-e-s au rassemblement devant l’ambassade de Pologne ce dimanche. Oui, la laïcité nous émancipe !

Certes, la Pologne a officiellement trois mois pour prouver qu’elle respecte l’état de droit sur ses dernières réformes particulièrement dures et liberticides. Elle pourrait même subir des sanctions, ce qui serait une première pour des questions non économiques, mais la question de l’IVG ne fait pas partie de la pression. Le Parlement Européen, avec y compris une partie de la droite européenne, a cependant adopté plusieurs résolutions pour que la commission européenne ouvre un « dialogue structuré » sur l’état de droit et les droits fondamentaux, afin notamment d’y intégrer le droit à l’avortement. Si la bataille pour inscrire des droits fondamentaux dans la Charte Européenne est à soutenir, elle révèle la logique intrinsèque de l’Union Européenne, basée essentiellement sur des orientations libérales conformes aux intérêts de l’Allemagne, totalement éloignée de l’idéal d’une « Europe qui protège » au service du progrès humain.

Et de façon inhérente à l’Union Européenne, une fois qu’un pays est entré dans l’UE, les institutions ne se sont dotées d’aucun moyen de contraindre un État-membre, par des moyens juridiques ou répressifs, de respecter les droits humains fondamentaux. Par contre, si un État-membre ne respecte pas le semestre européen et ses critères austéritaires dictés par Merkel, là un mécanisme automatique de sanctions financières se déclenche !

Ayons conscience que ces injonctions du Semestre Européen qui conduisent la Commission à imposer ses « recommandations », dans les faits véritables injonctions à la baisse des dépenses publiques et aux réformes structurelles qui piétinent la souveraineté des parlements nationaux, aboutissent dans les faits… à la fermeture des centres d’IVG (CIVG) ! En France ces fermetures de CIVG se multiplient : plus de 170 en dix ans du fait des politiques libérales contre l’hôpital public, rendant leur accès très difficile voire parfois impossible dans les délais requis. Dès lors, celles qui n’ont pas les moyens de partir à l’étranger y renoncent. Ailleurs ? Qui sait combien de CIVG ont dû fermer en Grèce quand on sait la casse terrible qu’y a connu l’hôpital public ?

L’émancipation des femmes est étroitement liée à la question sociale et à la question laïque qui sont les deux faces d’une même pièce. Ce qui se passe en Pologne doit nous rappeler l’impérieuse nécessité de défendre le principe de laïcité. Pour 2017, nous devons non seulement défendre l’inscription du droit à l’avortement dans la constitution de la 6ème République mais également rompre avec le carcan austéritaire européen : restaurer la souveraineté des peuples, pour garantir dans les faits l’accès à l’IVG.

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